Les œuvres de José Maria Sert sont à la (dé)mesure de la puissance de l'homme du XXe siècle, dont l’ambition et l’hégémonie lui font prendre le pas sur le divin.

On y voit des colosses se hisser vers les nues, à l'image de ces castells*, acrobaties improbables où l'équilibre n'a d'égal que la force, où l'être au sommet n'y reste qu'un instant qui est éternité pour celui qui le porte.

Peut-être enfant s'est-il hissé en haut de ces tours humaines, lors des fêtes de village de sa Catalogne natale. Il a sans doute été frappé, par leurs effondrements, où l'apesanteur semble régir le monde, l'espace d'un instant.

La peinture de José Maria Sert est profondément ancrée dans ses racines catalanes, pays de ses parents* et de son enfance. Dans ces jeux venus de la nuit des temps, il y voit la métaphore de la puissance des hommes et l'allégorie de sa fragilité. Celle aussi du vertige que peut donner la vaniteuse ascension dans laquelle l'humanité s'est engagée.

La peinture de José Maria Sert n'est pas que décors. Elle est le reflet de son siècle, où la mutation s'accélère, où l'humanité, tel Sisyphe, pousse le monde à la force de ses bras.

Nous sommes dans les années folles. José Maria Sert est un des acteurs de cette spirale où l'individu se perd, aveuglé par les strasses et les paillettes des robes de bal et l'assourdissant Foxtrot de l'orchestre. Ardent catholique, la passion guidera son œuvre et sa vie. Sa personnalité complexe où dualité et paradoxe sont une philosophie, fera dire à son ami Claudel qu'il succombait au « démon de cinq heures du Soir »* ! Si l'homme se perd dans ce Paris dissolue, l'artiste façonné par son époque, la façonnera à son tour de ses peintures d’une ampleur exceptionnelle à Vic (cathédrale), Paris, Londres, Buenos Aires*, Barcelone, New York, Genève… Autant dans sa vie que dans son art il est des « années 30 ». Sa peinture aux accents métalliques et aux dimensions hors norme ne peut que se marier à l'acier et à la démesure des buildings New-yorkais*.

La peinture Art Déco est rare, occulté, oublié. Il faut réveiller sa mémoire. José Maria Sert en est un des grands maitres.

L’entre-deux-guerres est le temps du cubisme, du surréalisme où d'autres catalans restent bien ancrés dans nos mémoires. Pablo et Salvador sont des amis de José Maria Sert. « Guernica* » chef d’œuvre de Picasso et « Pour les martyrs d'Espagne* » de Sert se confrontent à l'exposition universelle de 1937*. Cette dernière œuvre inspira, dit-on, Dali, pour son « Christ de Saint Jean de la Croix* ». Bien sûr, les peintres « modernes » ont eu, dans leurs manières, l’inventivité de la rupture, fracture des codes qui choque l'esprit et marque les mémoires. Chez José Maria Sert, l'expression picturale, si elle est frappante, n'est pas en rupture, ce qui ne signifie pas pour autant que l'artiste ne soit pas inventif. S'il se réfère aux grands maîtres, il n'en influencera pas moins d'autres grands artistes, comme Julian Freud.

C'est dans le processus de genèse de sa peinture que José Maria Sert a été avant-gardiste. Ses photos* témoignent des installations que José Maria Sert réalisa dans son atelier parisien en préparation de ses œuvres. Installations Éphémères, montage improbable et surréaliste d'individus dénudées en suspension, de mannequins accoutrés en procession, de barque en déséquilibre… et ceci bien avant la première Installation du poète, catalan, Joan Brossa* en 1956.

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